"EST-CE AINSI QUE LES FEMMES VIVENT ?"
Violence conjugale en France 1996-1998
La violence conjugale est un grave problème de société, qui touche tous les milieux sociaux, toutes les cultures. Elle est inacceptable. Le chiffre des violences conjugales est un chiffre noir. Les estimations se rejoignent cependant pour dire qu’environ deux millions de femmes sont victimes de violence conjugale.
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Soit une femme sur sept !
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Cette femme connaît son agresseur. Il habite à la maison. Cette femme est peut-être notre amie, notre voisine, notre sœur… La violence se développe à travers des cycles dont l’intensité et la fréquence augmentent avec le temps, jusqu’à pousser la femme au suicide ou à l’exposer à l’homicide. Près de 150 femmes meurent chaque année sous les coups d’un mari violent.
Une tous les deux jours et demi !
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A une époque où peu de sujets restent tabous, il m’avait semblé urgent de témoigner sur ce problème délicat sur lequel on jette encore trop souvent un voile pudique. La famille est le lieu par excellence du privé.
Aucun photographe n’est censé y faire des photos, encore moins ce genre de photos.
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Photographier des femmes battues juste après le drame, chez elles, dans des services d’urgence d’hôpitaux ou des foyers d’hébergement peut, pour certains, paraître du voyeurisme. Pourtant ma démarche est exactement inverse. J’ai voulu dénoncer ce qui est rarement vu. Redonner à ces femmes la dignité qui est la leur.
Combattre le silence dans lequel elles se trouvent. Parler de la violence conjugale dérange.
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Mais se taire, c’est les rendre victimes deux fois.
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J’ai ressenti le besoin d’apporter ma modeste contribution en proposant mon regard de femme photographe sur ce très grave problème. Je savais que vouloir réaliser des photos sur un sujet aussi sensible pouvait déranger.
Je ne cherchais ni à étonner, ni à choquer et encore moins à flatter un quelconque voyeurisme.
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J’ai voulu photographier ces autres nous-mêmes, retenir par l’image ces moments de vie où l’on ne parle plus,
où seuls les yeux et le cœur s’expriment. Je voulais que mes photos montrent, dénoncent et donnent à réfléchir.
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Le pari sera gagné pour moi, si, à la vue des images, des femmes s’emparent de leur parole, sortent de leur isolement, osent briser le mur, osent dire, osent !
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Le pari sera gagné pour moi, si, à la vue des photos, l’émotion et le cœur mis à contribution,
on se sent proche tout simplement…
Lizzie SADIN
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Numéro d'appel d'urgence violences conjugales : 3919
Marseille, 1h du matin. Cette femme a été battue par son mari. Elle s’est sauvée du domicile et s’est réfugiée dans un café. Le patron du café, qui a eu peur de l’intervention du mari, a appelé la police.
Suite à une dispute concernant la facture d’EDF, cette femme a été battue par son mari. Il ne veut plus payer la note. Elle reçoit à la tête et au coude une plante verte en pot et des bouteilles de soda en verre sous le regard de ses enfants. Le SAMU est appelé en urgence par la police. La voisine est venue s’occuper de ses quatre enfants pendant l’hospitalisation.
Foyer d’accueil Flora Tristan, Chatillon (92), 20h T… a 14 ans. Elle pleure sous la table à l’évocation des souvenirs évoqués par sa mère et sa voisine de chambre. Elle se bouche les oreilles. « C’est trop dur, dit-elle. Je ne peux plus rien entendre, je ne peux plus y penser, je veux que ma mémoire s’efface » Le cœur abîmé, la mémoire marquée au fer de la violence.
Marseille, 1h du matin. Cette femme a été battue par son mari. Elle s’est sauvée du domicile et s’est réfugiée dans un café. Le patron du café, qui a eu peur de l’intervention du mari, a appelé la police.